Après avoir rencontré la dernière personne, la pensée de Trump a encore changé.
Alors que Wall Street était presque convaincu que le nouveau président de la Fed serait Kevin Hassett, la semaine dernière, une rencontre au sommet au sein de la Maison Blanche avec l’ancien membre du conseil de la Fed, Kevin Warsh, a de nouveau laissé planer le doute.
Contrairement aux rencontres formelles habituelles, après cette réunion, l’attitude de Trump envers Warsh a connu une transformation subtile mais significative, manifestant une reconnaissance accrue, allant jusqu’à déclarer lors d’un entretien avec le Wall Street Journal : « Je pense que ces deux Kevins sont excellents », Warsh étant désormais au même niveau que Hassett dans la liste des candidats à la présidence de la Fed.
Ce « duel » entre Hassett et Warsh ne signifie pas seulement un changement de « camp » de « colombe fidèle » à « réformateur de la Fed », mais reflète surtout une bataille sur la logique de la liquidité du dollar pour les quatre prochaines années (lecture complémentaire : « Perspectives pour le nouveau chef de la Fed : Hassett, Coinbase, et la loyauté de Trump envers les « colombe fidèles » »).
On peut dire que, pour le marché, la simple phrase de Trump « Les deux sont excellents » représente une « énorme incertitude ».
1. Du « monologue » de Hassett au « duel » Hassett-Warsh
Les marchés financiers sont toujours les plus honnêtes, et sur Polymarket, la plateforme de prédiction, les investisseurs avisés ont déjà réévalué en avance cette « grande bataille pour la succession ».
Au 16 décembre, dans le pool de fonds dédié à « Qui sera le prochain président de la Fed ? », la probabilité de Warsh a dépassé 45 %, dépassant officiellement Hassett (42 %), devenant ainsi le favori numéro un.
Il faut savoir qu’il y a seulement deux semaines, début décembre, Hassett bénéficiait encore d’un avantage écrasant de plus de 80 %, tandis que Warsh, comme d’autres candidats secondaires, n’avait qu’une faible chance à un chiffre (Mise à jour : au 17 décembre, Hassett a de nouveau dépassé Warsh, avec 53 % contre 27 %, redevenant le favori).
Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer pour inverser aussi rapidement une situation initialement claire ? Après analyse des informations publiques, la montée soudaine de Warsh et la perte de faveur de Hassett semblent principalement liées à des détails où chacun a fait un pas en avant ou en arrière.
D’abord, la raison pour laquelle Warsh a pu prendre l’avantage, c’est qu’il dispose d’un réseau de relations solides directement connectées au cercle intime de Trump.
En réalité, comparé au rôle de conseiller de Hassett, Warsh entretient des liens personnels plus étroits avec Trump, notamment grâce à son beau-père — le milliardaire et héritier d’Estée Lauder, Ronald Lauder, qui est non seulement un mécène de Trump, mais aussi un ancien camarade de fac et ami de longue date.
Grâce à cette relation, Warsh a non seulement conseillé l’équipe de transition, mais a aussi été perçu comme « un proche » par Trump. Par ailleurs, Warsh est également un ami de l’actuel secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, et dans un précédent article, il était même envisagé que Mnuchin devienne le prochain président de la Fed.
En plus de ses liens personnels, Warsh a également reçu le soutien du « cercle professionnel ». Selon le Financial Times, Jamie Dimon, PDG de JPMorgan Chase, a récemment exprimé son appui à Warsh lors d’un sommet privé réunissant des grands gestionnaires d’actifs, en affirmant franchement que Hassett pourrait, pour plaire à Trump, adopter une politique de baisse des taux trop radicale, risquant ainsi de provoquer une inflation incontrôlable.
Cela reflète en partie la tendance de la haute finance à soutenir Warsh, ce qui augmente ses chances. Lors de la rencontre de la semaine dernière entre Trump et Warsh, cette confiance a été confirmée : Trump a indiqué que Warsh était son premier choix, soulignant qu’il partageait avec lui une vision « globalement cohérente » en matière de politique monétaire, allant jusqu’à préciser qu’il consultait rarement Warsh pour la fixation des taux, mais que ses avis comptaient.
À l’inverse, Hassett, qui semblait en position de force, aurait commis une erreur tactique : avant même d’être officiellement nommé, il a tenté trop tôt de montrer son « indépendance » vis-à-vis de Trump.
Lors de plusieurs déclarations publiques la semaine dernière, pour répondre aux inquiétudes du marché obligataire quant à son « manque de courage », Hassett a volontairement pris ses distances avec Trump, par exemple en déclarant que lorsque la question de l’influence de Trump sur la décision de la Fed lui était posée, il répondait : « Non, ses opinions n’auront aucune influence… Seules celles qui sont raisonnables et étayées par des données comptent », ajoutant même : « Si l’inflation passe de 2,5 % à 4 %, alors on ne pourra plus baisser les taux ».
Objectivement, ce genre de discours « textbook » de la part d’un président de banque centrale peut rassurer les traders obligataires, mais risque aussi de provoquer la colère de Trump, qui cherche à tout prix à garder le contrôle. Curieusement, c’est après ces déclarations que la rencontre entre Trump et Warsh a été largement relayée dans la presse.
En effet, Trump a besoin d’un « partenaire docile » plutôt que d’un Powell « moralisateur ». Pour maîtriser la politique monétaire à venir, quelle que soit la sincérité de Hassett, cette tentative de se distancer précipitamment a probablement été perçue par Trump comme une « grosse défaite ».
2. Warsh : un « insider » à un pas du « trône » de la Fed
En réalité, Warsh n’est pas un outsider. Pendant le premier mandat de Trump, il était celui qui « aurait presque tout obtenu, mais a finalement manqué le coche ».
Peu de gens se souviennent que, aujourd’hui, Powell, que Trump critique quotidiennement, a été nommé président de la Fed par Trump lui-même en 2017.
Ce qui est moins connu, c’est que la confrontation ultime de l’époque s’est jouée entre Powell et Warsh. À cette époque, Warsh portait le titre de plus jeune membre du conseil de la Fed (à 35 ans), étant aussi un bras droit de Bernanke lors de la crise financière de 2008, mais il a finalement été battu par Powell, fortement soutenu par le secrétaire au Trésor de l’époque, Steven Mnuchin.
Fascinant, quatre ans plus tard, Trump semble vouloir corriger cette « erreur » : fin 2022, selon le Wall Street Journal, des sources proches de la Maison Blanche ont indiqué que Trump, réélu, envisageait de nommer Warsh au poste de secrétaire au Trésor.
On peut dire que Warsh n’a jamais quitté le radar de Trump, restant « dans le cœur de l’empereur ».
Cela s’explique par son parcours presque parfait : « diplômé de Stanford, doctorat en droit à Harvard, ancien cadre de Morgan Stanley, conseiller économique clé du gouvernement de George W. Bush », un profil très complet :
Pendant ses études, il a étudié l’économie et la statistique à Stanford, puis a poursuivi un doctorat en droit à Harvard, tout en complétant des cours en finance de marché à la Harvard Business School et au MIT Sloan, ce qui en fait un professionnel polyvalent, alliant droit, finance et régulation ;
Après ses études, il a travaillé plusieurs années dans le département des fusions-acquisitions de Morgan Stanley, en tant que conseiller financier pour plusieurs entreprises, avant de quitter en 2002 pour devenir vice-président et directeur exécutif chez Morgan Stanley ;
Après avoir rejoint l’administration Bush, il a occupé des postes de conseiller spécial en politique économique et de secrétaire exécutif du Conseil économique national, fournissant des conseils au président et aux hauts fonctionnaires sur des questions liées à l’économie américaine, notamment sur les marchés financiers, la banque et l’assurance.
En combinant cela avec son origine familiale de milliardaire, il n’est pas exagéré de dire que, depuis plus de vingt ans, de Morgan Stanley à la Commission économique nationale de Bush, puis à la Fed, Warsh a toujours évolué dans le cercle des plus grands financiers mondiaux.
Ainsi, sa connaissance des règles du jeu à Wall Street, combinée à son appartenance au cercle intime de Trump, constitue une double force qui lui permet de renverser Hassett au moment crucial.
3. Deux « Kevins », deux scénarios
Hassett et Warsh, bien qu’ils portent tous deux le prénom Kevin, proposent des scénarios radicalement différents pour le marché.
Si Warsh prenait réellement le pouvoir, il est peu probable que l’on assiste à une « fête de la baisse des taux » à la Hassett, mais plutôt à une opération chirurgicale de précision sur la politique de QE de la Fed et sa structure.
Cela s’explique par le fait que, depuis quinze ans, Warsh, en tant que principal opposant au QE, a été l’un des critiques les plus acerbes de la Fed — il a à plusieurs reprises dénoncé l’abus de la Fed sur le bilan, et en 2010, il a démissionné en protestation contre le second round de quantitative easing (QE2).
Sa logique est claire et ferme : « Si on arrêtait de créer de la monnaie, nos taux pourraient être encore plus bas », ce qui signifie que Warsh cherche à réduire la masse monétaire (QT) pour contenir les anticipations d’inflation, libérant ainsi de l’espace pour réduire les taux nominaux, une opération difficile mais visant à mettre fin à l’ère de la « domination monétaire » qui dure depuis quinze ans.
Concernant la baisse des taux, Warsh a également publié cette année un article critiquant la montée rapide de l’inflation, affirmant qu’il soutiendrait une nouvelle baisse des taux même si les tarifs douaniers de Trump étaient appliqués. Selon Deutsche Bank, si Warsh prenait la tête, la Fed pourrait adopter une stratégie combinée : d’un côté, accompagner la baisse des taux de Trump, et de l’autre, réduire de manière agressive le bilan (QT).
Par ailleurs, contrairement à Powell qui tente d’ajuster l’économie, Warsh prône une Fed « qui en fait le moins possible », estimant que « les indications prospectives sont presque inutiles en période normale », et dénonçant « l’expansion des missions » de la Fed sur des sujets comme le climat ou l’inclusion, prônant une séparation claire entre la Fed, responsable des taux, et le Trésor, chargé de la gestion des finances publiques.
Bien que ses critiques soient virulentes, Warsh reste fondamentalement un « réformateur » plutôt qu’un « révolutionnaire ». Il souhaite une « restauration » de la Fed, conservant son architecture centrale tout en éliminant les erreurs des dix dernières années, ce qui signifierait un retour à sa mission fondamentale : défendre la stabilité de la monnaie et des prix, plutôt que de laisser la politique monétaire prendre en charge des responsabilités qui devraient revenir au Trésor.
En résumé, une Fed dirigée par Warsh pourrait réduire ses prérogatives et, avec le temps, normaliser son bilan.
Cependant, pour les crypto-monnaies et les actions technologiques américaines habituées à une liquidité abondante, l’arrivée de Warsh représenterait un défi majeur à court terme, car dans sa vision, une liquidité infinie n’est pas seulement toxique, mais doit être « détruite ».
Mais à long terme, Warsh pourrait être un véritable « allié » — grâce à son admiration pour le marché libre et la dérégulation, ainsi qu’à sa confiance dans les perspectives économiques américaines, estimant que l’IA et la dérégulation entraîneront une explosion de productivité comparable à celle des années 1980, et étant l’un des rares hauts responsables à avoir investi dans la crypto (notamment dans le projet Basis, anciennement stable, et dans la société de gestion d’indices cryptographiques Bitwise), il connaît le secteur.
Cela pose les bases d’une « dégonflement » sain des actifs financiers après la bulle.
Bien sûr, Warsh et Trump ne sont pas totalement alignés : le plus grand risque concerne la politique commerciale. Warsh est un fervent défenseur du libre-échange, ayant critiqué publiquement le plan tarifaire de Trump, qui pourrait conduire à « l’isolement économique ». Bien qu’il ait récemment déclaré qu’il soutiendrait une baisse des taux même en cas de hausse des tarifs, cette divergence demeure.
Garder la crédibilité du dollar tout en répondant aux demandes de Trump en matière de tarifs et de baisse des taux sera le plus grand défi à relever pour lui.
En conclusion : le seul maître d’œuvre est une seule personne
En résumé, cette « lutte entre deux Kevins » reflète deux visions opposées du marché.
Choisir Hassett, c’est opter pour une fête de la liquidité, où la Fed, sous la direction de la Maison Blanche, pourrait devenir une cheerleader du marché boursier, avec le Nasdaq et le Bitcoin en route vers la lune à court terme, mais au prix d’une inflation incontrôlée à long terme et d’un effondrement accru de la crédibilité du dollar.
Choisir Warsh, c’est probablement opter pour une réforme chirurgicale, avec un marché qui pourrait souffrir à court terme d’un resserrement de la liquidité (symptômes de sevrage), mais qui, grâce à la dérégulation et à une politique monétaire prudente, rassurera à long terme les investisseurs institutionnels et les banques de Wall Street.
Mais peu importe qui l’emportera, une chose est certaine : en 2020, Trump ne pouvait que critiquer Powell sur Twitter ; en 2025, avec un Trump triomphant, il ne se contentera plus d’être un spectateur passif.
Que ce soit Hassett ou Warsh sur le devant de la scène, cela pourrait influencer le scénario, mais le véritable maître d’orchestre de cette pièce est déjà fermement installé : Trump.
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Le « successeur » de la Réserve fédérale fait marche arrière : du « pigeon fidèle » au « réformiste », le scénario du marché a-t-il changé ?
Auteur : Frank, MSX Institut de Recherche
Après avoir rencontré la dernière personne, la pensée de Trump a encore changé.
Alors que Wall Street était presque convaincu que le nouveau président de la Fed serait Kevin Hassett, la semaine dernière, une rencontre au sommet au sein de la Maison Blanche avec l’ancien membre du conseil de la Fed, Kevin Warsh, a de nouveau laissé planer le doute.
Contrairement aux rencontres formelles habituelles, après cette réunion, l’attitude de Trump envers Warsh a connu une transformation subtile mais significative, manifestant une reconnaissance accrue, allant jusqu’à déclarer lors d’un entretien avec le Wall Street Journal : « Je pense que ces deux Kevins sont excellents », Warsh étant désormais au même niveau que Hassett dans la liste des candidats à la présidence de la Fed.
Ce « duel » entre Hassett et Warsh ne signifie pas seulement un changement de « camp » de « colombe fidèle » à « réformateur de la Fed », mais reflète surtout une bataille sur la logique de la liquidité du dollar pour les quatre prochaines années (lecture complémentaire : « Perspectives pour le nouveau chef de la Fed : Hassett, Coinbase, et la loyauté de Trump envers les « colombe fidèles » »).
On peut dire que, pour le marché, la simple phrase de Trump « Les deux sont excellents » représente une « énorme incertitude ».
1. Du « monologue » de Hassett au « duel » Hassett-Warsh
Les marchés financiers sont toujours les plus honnêtes, et sur Polymarket, la plateforme de prédiction, les investisseurs avisés ont déjà réévalué en avance cette « grande bataille pour la succession ».
Au 16 décembre, dans le pool de fonds dédié à « Qui sera le prochain président de la Fed ? », la probabilité de Warsh a dépassé 45 %, dépassant officiellement Hassett (42 %), devenant ainsi le favori numéro un.
Il faut savoir qu’il y a seulement deux semaines, début décembre, Hassett bénéficiait encore d’un avantage écrasant de plus de 80 %, tandis que Warsh, comme d’autres candidats secondaires, n’avait qu’une faible chance à un chiffre (Mise à jour : au 17 décembre, Hassett a de nouveau dépassé Warsh, avec 53 % contre 27 %, redevenant le favori).
Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer pour inverser aussi rapidement une situation initialement claire ? Après analyse des informations publiques, la montée soudaine de Warsh et la perte de faveur de Hassett semblent principalement liées à des détails où chacun a fait un pas en avant ou en arrière.
D’abord, la raison pour laquelle Warsh a pu prendre l’avantage, c’est qu’il dispose d’un réseau de relations solides directement connectées au cercle intime de Trump.
En réalité, comparé au rôle de conseiller de Hassett, Warsh entretient des liens personnels plus étroits avec Trump, notamment grâce à son beau-père — le milliardaire et héritier d’Estée Lauder, Ronald Lauder, qui est non seulement un mécène de Trump, mais aussi un ancien camarade de fac et ami de longue date.
Grâce à cette relation, Warsh a non seulement conseillé l’équipe de transition, mais a aussi été perçu comme « un proche » par Trump. Par ailleurs, Warsh est également un ami de l’actuel secrétaire au Trésor, Steven Mnuchin, et dans un précédent article, il était même envisagé que Mnuchin devienne le prochain président de la Fed.
En plus de ses liens personnels, Warsh a également reçu le soutien du « cercle professionnel ». Selon le Financial Times, Jamie Dimon, PDG de JPMorgan Chase, a récemment exprimé son appui à Warsh lors d’un sommet privé réunissant des grands gestionnaires d’actifs, en affirmant franchement que Hassett pourrait, pour plaire à Trump, adopter une politique de baisse des taux trop radicale, risquant ainsi de provoquer une inflation incontrôlable.
Cela reflète en partie la tendance de la haute finance à soutenir Warsh, ce qui augmente ses chances. Lors de la rencontre de la semaine dernière entre Trump et Warsh, cette confiance a été confirmée : Trump a indiqué que Warsh était son premier choix, soulignant qu’il partageait avec lui une vision « globalement cohérente » en matière de politique monétaire, allant jusqu’à préciser qu’il consultait rarement Warsh pour la fixation des taux, mais que ses avis comptaient.
À l’inverse, Hassett, qui semblait en position de force, aurait commis une erreur tactique : avant même d’être officiellement nommé, il a tenté trop tôt de montrer son « indépendance » vis-à-vis de Trump.
Lors de plusieurs déclarations publiques la semaine dernière, pour répondre aux inquiétudes du marché obligataire quant à son « manque de courage », Hassett a volontairement pris ses distances avec Trump, par exemple en déclarant que lorsque la question de l’influence de Trump sur la décision de la Fed lui était posée, il répondait : « Non, ses opinions n’auront aucune influence… Seules celles qui sont raisonnables et étayées par des données comptent », ajoutant même : « Si l’inflation passe de 2,5 % à 4 %, alors on ne pourra plus baisser les taux ».
Objectivement, ce genre de discours « textbook » de la part d’un président de banque centrale peut rassurer les traders obligataires, mais risque aussi de provoquer la colère de Trump, qui cherche à tout prix à garder le contrôle. Curieusement, c’est après ces déclarations que la rencontre entre Trump et Warsh a été largement relayée dans la presse.
En effet, Trump a besoin d’un « partenaire docile » plutôt que d’un Powell « moralisateur ». Pour maîtriser la politique monétaire à venir, quelle que soit la sincérité de Hassett, cette tentative de se distancer précipitamment a probablement été perçue par Trump comme une « grosse défaite ».
2. Warsh : un « insider » à un pas du « trône » de la Fed
En réalité, Warsh n’est pas un outsider. Pendant le premier mandat de Trump, il était celui qui « aurait presque tout obtenu, mais a finalement manqué le coche ».
Peu de gens se souviennent que, aujourd’hui, Powell, que Trump critique quotidiennement, a été nommé président de la Fed par Trump lui-même en 2017.
Ce qui est moins connu, c’est que la confrontation ultime de l’époque s’est jouée entre Powell et Warsh. À cette époque, Warsh portait le titre de plus jeune membre du conseil de la Fed (à 35 ans), étant aussi un bras droit de Bernanke lors de la crise financière de 2008, mais il a finalement été battu par Powell, fortement soutenu par le secrétaire au Trésor de l’époque, Steven Mnuchin.
Fascinant, quatre ans plus tard, Trump semble vouloir corriger cette « erreur » : fin 2022, selon le Wall Street Journal, des sources proches de la Maison Blanche ont indiqué que Trump, réélu, envisageait de nommer Warsh au poste de secrétaire au Trésor.
On peut dire que Warsh n’a jamais quitté le radar de Trump, restant « dans le cœur de l’empereur ».
Cela s’explique par son parcours presque parfait : « diplômé de Stanford, doctorat en droit à Harvard, ancien cadre de Morgan Stanley, conseiller économique clé du gouvernement de George W. Bush », un profil très complet :
En combinant cela avec son origine familiale de milliardaire, il n’est pas exagéré de dire que, depuis plus de vingt ans, de Morgan Stanley à la Commission économique nationale de Bush, puis à la Fed, Warsh a toujours évolué dans le cercle des plus grands financiers mondiaux.
Ainsi, sa connaissance des règles du jeu à Wall Street, combinée à son appartenance au cercle intime de Trump, constitue une double force qui lui permet de renverser Hassett au moment crucial.
3. Deux « Kevins », deux scénarios
Hassett et Warsh, bien qu’ils portent tous deux le prénom Kevin, proposent des scénarios radicalement différents pour le marché.
Si Warsh prenait réellement le pouvoir, il est peu probable que l’on assiste à une « fête de la baisse des taux » à la Hassett, mais plutôt à une opération chirurgicale de précision sur la politique de QE de la Fed et sa structure.
Cela s’explique par le fait que, depuis quinze ans, Warsh, en tant que principal opposant au QE, a été l’un des critiques les plus acerbes de la Fed — il a à plusieurs reprises dénoncé l’abus de la Fed sur le bilan, et en 2010, il a démissionné en protestation contre le second round de quantitative easing (QE2).
Sa logique est claire et ferme : « Si on arrêtait de créer de la monnaie, nos taux pourraient être encore plus bas », ce qui signifie que Warsh cherche à réduire la masse monétaire (QT) pour contenir les anticipations d’inflation, libérant ainsi de l’espace pour réduire les taux nominaux, une opération difficile mais visant à mettre fin à l’ère de la « domination monétaire » qui dure depuis quinze ans.
Concernant la baisse des taux, Warsh a également publié cette année un article critiquant la montée rapide de l’inflation, affirmant qu’il soutiendrait une nouvelle baisse des taux même si les tarifs douaniers de Trump étaient appliqués. Selon Deutsche Bank, si Warsh prenait la tête, la Fed pourrait adopter une stratégie combinée : d’un côté, accompagner la baisse des taux de Trump, et de l’autre, réduire de manière agressive le bilan (QT).
Par ailleurs, contrairement à Powell qui tente d’ajuster l’économie, Warsh prône une Fed « qui en fait le moins possible », estimant que « les indications prospectives sont presque inutiles en période normale », et dénonçant « l’expansion des missions » de la Fed sur des sujets comme le climat ou l’inclusion, prônant une séparation claire entre la Fed, responsable des taux, et le Trésor, chargé de la gestion des finances publiques.
Bien que ses critiques soient virulentes, Warsh reste fondamentalement un « réformateur » plutôt qu’un « révolutionnaire ». Il souhaite une « restauration » de la Fed, conservant son architecture centrale tout en éliminant les erreurs des dix dernières années, ce qui signifierait un retour à sa mission fondamentale : défendre la stabilité de la monnaie et des prix, plutôt que de laisser la politique monétaire prendre en charge des responsabilités qui devraient revenir au Trésor.
En résumé, une Fed dirigée par Warsh pourrait réduire ses prérogatives et, avec le temps, normaliser son bilan.
Cependant, pour les crypto-monnaies et les actions technologiques américaines habituées à une liquidité abondante, l’arrivée de Warsh représenterait un défi majeur à court terme, car dans sa vision, une liquidité infinie n’est pas seulement toxique, mais doit être « détruite ».
Mais à long terme, Warsh pourrait être un véritable « allié » — grâce à son admiration pour le marché libre et la dérégulation, ainsi qu’à sa confiance dans les perspectives économiques américaines, estimant que l’IA et la dérégulation entraîneront une explosion de productivité comparable à celle des années 1980, et étant l’un des rares hauts responsables à avoir investi dans la crypto (notamment dans le projet Basis, anciennement stable, et dans la société de gestion d’indices cryptographiques Bitwise), il connaît le secteur.
Cela pose les bases d’une « dégonflement » sain des actifs financiers après la bulle.
Bien sûr, Warsh et Trump ne sont pas totalement alignés : le plus grand risque concerne la politique commerciale. Warsh est un fervent défenseur du libre-échange, ayant critiqué publiquement le plan tarifaire de Trump, qui pourrait conduire à « l’isolement économique ». Bien qu’il ait récemment déclaré qu’il soutiendrait une baisse des taux même en cas de hausse des tarifs, cette divergence demeure.
Garder la crédibilité du dollar tout en répondant aux demandes de Trump en matière de tarifs et de baisse des taux sera le plus grand défi à relever pour lui.
En conclusion : le seul maître d’œuvre est une seule personne
En résumé, cette « lutte entre deux Kevins » reflète deux visions opposées du marché.
Choisir Hassett, c’est opter pour une fête de la liquidité, où la Fed, sous la direction de la Maison Blanche, pourrait devenir une cheerleader du marché boursier, avec le Nasdaq et le Bitcoin en route vers la lune à court terme, mais au prix d’une inflation incontrôlée à long terme et d’un effondrement accru de la crédibilité du dollar.
Choisir Warsh, c’est probablement opter pour une réforme chirurgicale, avec un marché qui pourrait souffrir à court terme d’un resserrement de la liquidité (symptômes de sevrage), mais qui, grâce à la dérégulation et à une politique monétaire prudente, rassurera à long terme les investisseurs institutionnels et les banques de Wall Street.
Mais peu importe qui l’emportera, une chose est certaine : en 2020, Trump ne pouvait que critiquer Powell sur Twitter ; en 2025, avec un Trump triomphant, il ne se contentera plus d’être un spectateur passif.
Que ce soit Hassett ou Warsh sur le devant de la scène, cela pourrait influencer le scénario, mais le véritable maître d’orchestre de cette pièce est déjà fermement installé : Trump.